Luc Bouchareu Aïkido
"Aïkido, Techniques d'armes"
Afin de vous présenter ce livre, je vous propose aujourd'hui une définition de l'Aïkido par Jean-Paul Moine.
Tamura Shihan, dans son premier livre, définissait l'aïkido comme "un art
martial", cette définition minimale faisant l'unanimité.
Le mot "art" promeut une idée de création et de liberté, de recherche de
beauté.
Certains techniciens s'inscrivent dans cette mouvance en comparant cette
discipline à la musique, à la peinture. L'aspect martial ne devient qu'un
prétexte, soit au service d'une relation avec autrui, le rapport avec Aite
étant alors privilégié, soit au service de l'idéal du geste pur, la
recherche de l'esthétique primant sur celle du fond.
Certes, dans cette perspective, l'aïkido n'est pas une création manifestant
une liberté sans borne. Il faut entendre par création la marque d'une
individualité qui s'affirme ainsi que Tamura Shihan l'indique quand il
définit le sens des grades dan supérieurs.
A l'opposé, le mot "martial" évoque ascèse, rigueur technique, travail sur
soi. Grâce à la répétition de formes codifiées, le corps se façonne, se
pétrit à l'aide d'exercices normés dans le keiko, "apprendre en pétrissant".
Avec les années le pratiquant passe progressivement de la maîtrise de la
connaissance formelle des techniques à la compréhension des principes qui
régissent l'aïkido.
Il devrait en découler l'intériorisation des fondations et la prise de
conscience des bases. A l'évidence, il ne sagit pas d'une révélation qui
provoquerait l'arrêt du cheminement du pratiquant. L'ascèse propre à cette
démarche se poursuivra. Les bases ne sont jamais définitivement acquises,
elles continueront d'être mises à l'épreuve et questionnées par le travail
au dojo. Ainsi, l'aïkido s'oppose dans sa définition comme "art martial" :
liberté et rigueur, création et répétition, spontanéité de l'instant et
travail sur soi dans la durée.
L'attention permanente entre ces deux pôles, quelles que soient les formes
qu'elle prend, constitue l'essence de l'aïkido.
L'opposition "travail avec armes" et "travail sans arme" n'en est qu'une des
manifestations. Le paradoxe posé au début de ce travail a son origine dans
l'essence même de l'aïkido, d'où sa pérennité.
La résolution de ce conflit pourrait être l'aboutissement d'un travail de
plusieurs dizaines d'années au terme duquel, le pratiquant devrait obtenir
la rigueur dans la création et la liberté dans le travail technique codifié.
Ainsi avec le temps, le conflit initial se résoudrait pour le pratiquant
dans une unité où les deux termes qui s'opposaient se mêleraient
étroitement.
La résolution de ce conflit pourrait prendre aussi une dimension
morale: souvent Tamura Shihan affirme que le but ultime de l'aïkido c'est la
construction d'un homme.
L'opposition entre le pôle de la liberté et la rigueur devrait contribuer à
l'émergence de valeurs morales. Par le travail sur le tatami, se créerait
progressivement un homme avec des qualités telles que le respect, la
modestie, l'humilité, le courage, la fidélité.